Artiste expressionniste, Catherine Duchêne ne crée pas en référence à un concept, mais dans le flux d’ une émotion qu’elle glane dans le réel des signes et que sa main restitue sur le support. Ses thèmes de prédilection sont essentiellement le corps, l’être humain, ses états d’âme et la relation au vivant.
Elle glane des signes plastiques dans tout ce qui se propose dans son champ visuel, elle trace sur son carnet de croquis, sur le papier ou sur la toile, et peu importe qu’ils soient figuratifs ou non, c’est l’ élan de l’émotion qui conduit la main, en aveugle. Elle remplit ainsi le support de signes prélevés au réel environnant, et lorsqu’elle obtient une sorte de chaos, elle entreprend de l’organiser, de déceler parmi les traits qui apparaissent, des masses, des morceaux de corps, des figures. Du trait fulgurant d’une ligne d’encre, le vivant semble s’extirper, comme d’une ombre informe qui en séchant prend corps.
Voici un texte de Florence Laude sur l’artiste:
Si la statuaire classique donne de l’Olympe une image apollinienne parce qu’elle est ordre et raison, la peinture de Catherine Duchêne en propose une vision dionysiaque parce qu’elle est expression et instinct. Au culte du ressemblant qui fige les traits, elle oppose le mouvement du pinceau qui fait frémir les chairs. La beauté ne réside plus dans la perfection des corps mais dans le bouillonnement des énergies qui les enfle et les déforme. Maltraitant les ébauches trop harmonieuses, refusant la couleur qui fait joli, exagérant les corpulences, accumulant les rehauts, elle recrée une Gaïa qui est arc-boutement, une Aphrodite qui est pulsion, une Euphrosyne qui est appétit, une Héra qui est pouvoir. Car les divinités pour les Grecs n’étaient pas des personnes mais des forces.
Puisque parler des dieux n’est jamais que parler que nous-mêmes, Catherine Duchêne arrache ainsi par sa peinture le corps des femmes à la tyrannie de la mode, au règne plastique des corps filiformes et pétrifiés. Elle nous rappelle que l’expressionnisme est toujours protestation.